L’indemnité d’éviction dans le cadre d’un bail commercial

Indemnité d'éviction et bail commercial

L’indemnité d’éviction est versée par le bailleur à son locataire lorsqu’il souhaite mettre fin au contrat de bail commercial qui les lie. Une situation qui peut facilement être source de litiges entre les parties (bailleur et locataire) si ces dernières ne connaissent pas le fonctionnement légal de cette indemnité.

Quel est le montant d’une indemnité d’éviction ? Et quelles sont les exceptions à ce principe ?

Le principe posé par l’article L145-14 du Code de commerce

Dans un contrat de bail commercial, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail lorsqu’il arrive à son terme.

Cependant, pour compenser la perte du local commercial, le bailleur doit obligatoirement verser à son locataire une indemnité d’éviction.

Celle-ci comprend, selon l’article L.145-14 alinéa 2 du Code de commerce :

  • la valeur marchande du fonds de commerce loué,
  • les frais et droits de mutation à payer sur un fonds d’une valeur identique,
  • les frais de déménagement et de réinstallation pour le locataire.

En effet, dans un contrat de bail commercial, le locataire dispose d’un droit au renouvellement du bail. Ainsi, lorsque le bail arrive à son terme, normalement à la fin des 9 ans, le locataire peut manifester à son bailleur sa volonté de renouveler son bail pour la même durée.

Les droits du locataire dans un bail commercial sont appelés « propriété commerciale ».

À noter : la durée légale du bail commercial est de 9 ans. 

Attention : l’article L.145-15 du Code de commerce renforce la protection du locataire puisqu’il précise que « sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit au renouvellement ».

Ainsi, il n’est pas possible d’empêcher la mise en place de ce droit au renouvellement, sauf avec les exceptions prévues par le Code de commerce. Les parties ne sont donc pas libres dans l’exercice de ce droit dans un contrat de bail commercial.

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Le montant de l’indemnité d’éviction

Le calcul de l’indemnité d’éviction n’est pas précisé par les textes législatifs.

Pour aider les parties lors de sa mise en place, la jurisprudence est venue préciser les éléments à retenir pour obtenir le montant de l’indemnité. L’indemnité d’éviction comprend une indemnité principale et des indemnités annexes.

Le montant de l’indemnité d’éviction

L’indemnité principale est égale soit à la valeur du fonds de commerce soit à la valeur du droit au bail.

La valeur du fonds de commerce est calculée selon les usages en fonction de barèmes qui correspondent le plus souvent à un pourcentage du CA et/ou en fonction de la rentabilité du fonds.

La valeur du droit au bail correspond à la différence qu’il existe entre le loyer actuellement payé par le locataire et la valeur locative réelle du commerce, multipliée par un coefficient qui dépend de la situation du local. Il est normalement retenu l’indemnité la plus importante entre ces deux méthodes.

Dans le cas où le fonds de commerce peut être déplacé, c’est-à-dire dans un local équivalent et à proximité, le locataire touchera uniquement des indemnités annexes car il n’y aura pas de perte de fonds de commerce.

Le calcul des indemnités d’éviction annexes

À cela viennent s’ajouter différentes indemnités annexes ; indemnité de remploi (qui couvre les frais d’achat d’un nouveau fonds), de déménagement, de trouble commercial (pour couvrir une éventuel perte de chiffre d’affaires, de frais administratif, de double loyer, indemnités de licenciement en cas de départ d’un ou plusieurs salariés.

Le montant du pas de porte : celui-ci correspond à la somme versée au bailleur par le locataire lors du début du contrat de bail.

Le montant des frais accessoires comme les éventuelles indemnités de licenciement en cas de séparation des salariés du local commercial.

La valeur marchande du fonds de commerce correspond à la valeur nécessaire pour transférer le fonds lorsque l’exploitation se poursuit dans des locaux équivalents. Cette dernière est alors appelée « indemnité de déplacement ».

Attention : la valeur marchande est différente lorsque le non-renouvellement du bail entraîne la perte totale du fonds de commerce et donc de la clientèle afférente au fonds. Ce montant est alors appelé « indemnité de remplacement ».

En principe, les parties fixent ce montant à l’amiable lorsqu’elles arrivent à se mettre d’accord sur la somme. Toutefois, si elles rencontrent des difficultés, il est possible de faire appel à un expert pour éviter les litiges.

Une fois les parties d’accord sur le montant, le bailleur dispose d’un droit de rétractation de 15 jours. Il peut, à l’issue de ce délai, revenir sur le droit au renouvellement du bail ou bien sur le montant de l’indemnité d’éviction.

Attention : une fois le délai dépassé, le bailleur est tenu de payer l’indemnité d’éviction à son locataire dans un délai de 3 mois.

À noter : le locataire a trois mois à compter du versement de l’indemnité d’éviction pour prendre congé des locaux commerciaux.

Au niveau fiscal, le montant de l’indemnité d’éviction attribué au locataire est soumis à l’impôt :

  • En cas de soumission du locataire à l’impôt sur le revenu (IR), ce dernier doit être imposé de la même manière que pour une plus-value professionnelle si le montant de l’indemnité correspond au pas de porte. Par contre, s’il sert à compenser une perte importante (indemnité de remplacement), il est alors ajouté au résultat net global soumis à impôt.
  • En cas de soumission à l’impôt sur les sociétés (IS), le locataire doit ajouter ce montant au résultat global et imposable au taux normal.

Les exceptions au versement de l’indemnité d’éviction

Comme toute règle juridique, l’indemnité d’éviction contient des exceptions pour éviter le versement de cette somme.

Ces exceptions sont précisées, notamment par l’article L.145-17 du Code de commerce.

Ainsi, l’indemnité d’éviction n’est pas à verser au locataire lorsque :

  • l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux commerciaux est reconnu par les autorités administratives comme étant en état d’insalubrité ;
  • le contrat est un bail dérogatoire, c’est-à-dire qu’il bénéficie d’une durée plus courte qu’un bail de 9 ans ;
  • le bailleur justifie d’un motif grave et légitime contre son locataire, notamment lorsque son locataire ne remplit pas les conditions pour bénéficier d’un bail commercial.

Ainsi, il est important de connaître l’encadrement légal de l’indemnité d’éviction pour organiser sereinement et convenablement les relations contractuelles dans un bail commercial entre bailleur et locataire.